La surdité est une affection fréquente qui peut toucher de nombreuses personnes à différents moments de leur vie. La perte d'audition progressive liée à l’âge, ou presbyacousie, est courante à partir de 65 ans. Cette réalité peut être difficile à accepter et à gérer, entraînant non seulement des défis en matière de communication, mais aussi un risque accru d'isolement social.

Dans cet article, nous explorons les différentes étapes avant l'acceptation d’une surdité. Pour nous éclairer sur ce sujet, nous avons sollicité l'expérience d’Ivana GJORGJIEVSKA, psychologue clinicienne dans le service d’ORL du CHU de Montpellier. Elle nous explique les différentes étapes émotionnelles et psychologiques que traversent les personnes après un diagnostic de surdité. De la phase initiale de choc ou de déni à l'acceptation et l'adaptation, chaque étape présente ses propres défis et nécessite un soutien approprié.

L’impact émotionnel du diagnostic

Benjamin: Bonjour Ivana, merci de nous accorder un moment pour discuter des étapes que les personnes atteintes de surdité peuvent traverser avant une prise en charge audiologique. Pour commencer, pouvez-vous nous expliquer pourquoi l'acceptation d'une surdité peut être un processus si difficile dans certains cas ?

Ivana: Bonjour, merci de m'avoir invitée. L'acceptation d’une surdité est difficile car elle implique un changement profond dans la manière de vivre et de communiquer. La perte d'audition affecte non seulement la communication, mais peut également provoquer un sentiment d'isolement social et des défis émotionnels significatifs. Cela est vrai tant pour une surdité brusque que pour une surdité liée à l'âge même si ces sentiments sont moins marqués dans le cas d’une perte progressive.

Benjamin: Pour beaucoup de personnes, le diagnostic de surdité ou hypoacousie est un moment difficile à accepter. Quels sont les impacts immédiats de cette nouvelle ?

Ivana: Le diagnostic de surdité est une annonce difficile à accepter pour certains, et c'est normal. Le projet de vie imaginé pour soi-même ou pour son enfant est soudainement remis en question. Dans le cas de surdités brusques, les perspectives d’avenir, notamment professionnelles, doivent être réévaluées. Ce choc initial peut être accompagné d'un mélange de surprise ou d'incrédulité, car les personnes doivent envisager une nouvelle réalité. Cependant, dans les cas de presbyacousie (surdité liée à l’âge, ndlr) la baisse d’acuité se développe progressivement, le déni est classiquement plus prononcé. Cela ne veut pas dire que c'est irrémédiable et il n'y a pas de honte à avoir, beaucoup de solutions existent maintenant pour récupérer efficacement d'une baisse auditive.

La période de déni

Benjamin : Justement, après le diagnostic et surtout dans les cas de baisse progressive, il est effectivement courant d’observer une période de déni repoussant ainsi le délai de prise en charge. Comment cette phase se manifeste-t-elle ?

Ivana: La période de déni est marquée par une difficulté à accepter la réalité de la surdité. Pour les personnes plus âgées, le déni peut être particulièrement prononcé. Il y a une forme de gêne à accepter une surdité, comme si c'était uniquement lié à l'âge, on se sent moins utile etc. Pourtant, c'est très fréquent ! La plupart des personnes vont attribuer leurs difficultés auditives à des causes temporaires, comme le bruit de fond ou le manque d’articulation des interlocuteurs. Accepter sa surdité implique de reconnaître une perte progressive et souvent irréversible, ce qui peut être psychologiquement éprouvant. La presbyacousie est souvent sous-estimée ou ignorée, ce qui retarde effectivement la prise de conscience et le traitement adéquat.

L’exploration des solutions

Benjamin: Une fois la phase de déni surmontée, les personnes malentendantes commencent à explorer les solutions possibles. Quelles sont les étapes clés de cette phase ?

Ivana: Après un certain temps, variable pour chacun à mesure que les difficultés auditives se confirment, les malentendants recherchent des solutions pour améliorer leur qualité de vie. Ils se renseignent sur les appareils auditifs par exemple ou d’autres méthodes d’adaptation. Le soutien d’un audioprothésiste ou des autres professionnels de santé est donc essentiel pour fournir des informations précises et des conseils personnalisés. Cette exploration permet aux individus de mieux comprendre leurs options et de commencer à envisager des adaptations concrètes à leur nouvelle situation.

L’acceptation et l’adaptation

Benjamin: Après avoir traversé ces différentes étapes, vient l’acceptation de la surdité. Comment cette étape finale se manifeste-t-elle ?

Ivana: L'acceptation est une étape cruciale où les personnes malentendantes apprennent à s'adapter à leur nouvelle réalité. Elles cherchent des moyens de communiquer efficacement. Suivant le degré de perte, ce peut être l’apprentissage de la langue des signes ou l'utilisation de technologies auditives du type prothèses ou implants. Elles commencent également à poursuivre leurs objectifs personnels et professionnels, malgré la surdité. Cette phase d'acceptation et d'adaptation est marquée par un regain de confiance en soi et une meilleure intégration sociale, réduisant ainsi le risque d'isolement. Pour les personnes âgées, cela peut également signifier l'acceptation de leur vieillissement et l'ajustement à une nouvelle phase de leur vie avec des soutiens appropriés.

Le risque d'isolement social

Benjamin: Vous avez mentionné l'isolement social. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce risque, notamment pour les personnes âgées ?

Ivana: L'isolement social est un risque majeur pour les personnes atteintes de surdité, et il est particulièrement prononcé chez les personnes âgées. La perte d'audition peut rendre les conversations difficiles à suivre, surtout dans des environnements bruyants. Cela peut entraîner une diminution de la participation aux activités sociales, un retrait des interactions familiales et amicales, et une augmentation de la solitude. L'isolement social peut avoir des conséquences importantes sur la santé mentale, augmentant le risque de dépression et d'anxiété voire de démence comme de plus en plus d’études le soulignent. Pour les personnes âgées, maintenir des connexions sociales est donc crucial pour leur bien-être global. Encourager l'utilisation d’aides auditives ou favoriser des environnements inclusifs peut aider à réduire ce risque.

Benjamin: En résumé, le parcours avant l’acceptation de la surdité est complexe et individuel. Pouvez-vous nous donner vos dernières réflexions sur ce processus ?

Ivana: Chaque personne vit ces étapes à sa manière. L'important est de trouver le soutien nécessaire, que ce soit auprès des proches, des professionnels de santé ou de groupes de soutien. Apprendre à vivre avec une surdité tout en continuant à s’épanouir est possible avec un bon accompagnement. Il est essentiel de sensibiliser et d'informer pour aider les personnes malentendantes à naviguer dans ce parcours émotionnel et à trouver des moyens de maintenir une vie sociale active et enrichissante. Pour les personnes plus âgées, le soutien familial est particulièrement important pour faciliter l'adaptation et prévenir l'isolement social.


Benjamin: Merci beaucoup Ivana pour ces précieux éclairages. Vos commentaires aideront certainement les personnes concernées à mieux comprendre et à gérer ce processus complexe d'acceptation d’une surdité.

Ivana: Merci à vous, avec plaisir.


Article rédigé par Benjamin CHAIX, Audioprothésiste D.E

Images générées à l'aide de l'IA.

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